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8 mars 2023

Lutte contre la précarité énergétique : pourquoi les femmes sont en première ligne ?

Maëva Bréau est responsable projet & plaidoyer Genre pour le réseau international écoféministe Women Engage for a Common Future (WECF) et Marie-Maud Gérard est responsable programme énergie, bâtiment et solidarité pour l’ONG internationale Geres.

Ensemble, elles reviennent sur les enjeux de la lutte contre la précarité énergétique pour les femmes et les leviers d’action qu’elles expérimentent, notamment via le programme EmpowerMed auquel elles contribuent, avec d’autres acteurs et actrices.

Anne Brukhanoff conseillère technique entreprenariat geres

Marie-Maud Gérard

Au Geres depuis plusieurs années, après des postes de conseillère info énergie, chargée de projet Energie Environnement, je suis aujourd’hui Responsable Programme Energie Bâtiment et Solidarité.

Mon rôle est notamment de développer et mettre en oeuvre des projets pour une transition énergétique inclusive et solidaire au sein de l’équipe Geres Europe Méditerranée : lutte contre la précarité énergétique, implication des habitant·es dans des démarches de sobriété, mobilisation et montée en compétence des acteurs du territoire pour que cette transition énergétique plus que nécessaire ne laisse personne de côté.

Armelle Barré

Maeva Bréau

Je suis Responsable de projet et plaidoyer genre depuis presque 4 ans chez WECF France. Mon rôle se divise en deux aspects : d’un côté la coordination de projets menés au niveau international par nos partenaires de terrain qui œuvrent quotidiennement pour renforcer et faire reconnaître la place des femmes dans la lutte contre les effets du changement climatique dans leurs pays, et parallèlement, un travail de sensibilisation et de plaidoyer, qui se nourrit de l’expertise et des connaissances de terrain de nos partenaires, pour des politiques climat plus inclusives et prenant en compte les besoins et spécificités des femmes.

En quelques mots, la précarité énergétique c’est quoi ?

Marie-Maud Gérard

Un ménage est en situation de précarité énergétique dès lors qu’il n’arrive pas à se chauffer, à se rafraîchir ou à disposer des services énergétiques nécessaires dans son logement et ce en raison d’une inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat. Il s’agit donc d’une combinaison de facteurs liée à un logement et à des appareils peu performants, de faibles revenus ou encore de prix élevés de l’énergie.

Les conséquences pour les ménages sont multiples : impayés d’énergie, trop froid ou trop chaud dans le logement et inconfort notoire, isolement social, problèmes de santé aggravés voire déclenchés. Cela fragilise d’autant plus des ménages souvent déjà vulnérables économiquement, ou socialement. 

Pourquoi le sujet de la lutte contre la précarité énergétique et le sujet des inégalités femmes hommes sont-ils liés ?

Maëva Bréau 

Comme l’a défini Marie-Maud, la précarité énergétique est liée à la précarité sociale et économique. Or, en Europe comme en France, les femmes sont plus à risque d’être dans une situation de pauvreté et ceci, pour de multiples raisons liées à la répartition stéréotypée des rôles entre femmes et hommes au sein des foyers.

Aujourd’hui encore, les femmes sont payées 28,5% de moins que les hommes à temps de travail égal, elles sont également sur-représentées dans les contrats à temps partiel ou dans le travail « non payé » (tâches domestiques, prise en charge des membres de la famille plus âgées ou des enfants etc) ce qui a, plus tard dans leur vie, un impact significatif sur leurs pensions de retraites.

De plus, les femmes vivent plus âgées que les hommes, et sont surreprésentées à la tête de ménages monoparentaux, avec la responsabilité d’enfants. Tous ces effets cumulés font que, en 2017, 17% des ménages dirigés par des femmes étaient dans une situation de précarité énergétique contre 10% dans la population générale.

A côté de ces aspects économiques et socioculturels, il y a aussi des différences physiologiques (les femmes ont une plus grande sensibilité à la chaleur et au froid) et d’impacts en termes de santé mentale et physique (de nombreuses maladies vasculaires et respiratoires sont dues à la pollution domestique).

On parle d’écoféminisme chez WECF, comment pourrait-on le définir ?

Maëva Bréau 

Il n’y a pas de consensus sur une définition de l’écoféminisme, néanmoins le concept s’appuie sur un constat commun : l’existence de liens indissociables entre la domination de la nature et celles des femmes dans notre système capitaliste.

L’écoféminisme est donc un mouvement politique et philosophique, intersectionnel, qui repose également sur la lutte pour un idéal de société circulaire, participative, auto-gérée, de démocratie directe, contre toutes hiérarchies (de sexe, de classe, de « race », d’origine, etc.) et contre l’exploitation massive de nos ressources naturelles et des populations.

En pratique, il s’agit d’intégrer les questions de justice sociale et de genre dans toutes problématiques environnementales.

Avez-vous quelques chiffres sur la situation en méditerranée, en France ?

Marie-Maud Gérard

En Europe, on estime que plus de 57 millions de personnes souffrent du froid en hiver, 104 millions de la chaleur en été et 52 millions sont confrontés à des retards de paiement de leurs factures d’énergie.

En France, selon les derniers chiffres de l’Observatoire national de la précarité énergétique, 20 % des Français·es ont souffert du froid, pendant au moins vingt-quatre heures au cours de l’hiver 2020-2021, dont plus d’un tiers pour raison financière.

Les statistiques présentant spécifiquement le nombre de femmes touchées par ce phénomène sont quasi inexistantes, à l’heure actuelle, d’où l’importance du programme EmpowerMed.  

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Justement, pouvez-vous nous dire ce qu’est le programme “EmpowerMed” et ce que vous cherchez à changer avec lui ? Notamment en matière de plaidoyer ?

Marie-Maud Gérard

EmpowerMed, c’est un consortium regroupant 9 partenaires européens et des projets dans 6 pays autour de la Méditerranée, de l’Espagne à l’Albanie.

L’objectif d’EmpowerMed est à la fois de développer des modalités de lutte contre la précarité énergétique sur le terrain, en impliquant et renforçant les ménages, à commencer par les femmes qui sont plus touchées, et de capitaliser sur les résultats obtenus pour élaborer des recommandations permettant un plaidoyer du niveau local au niveau européen. 

Les axes de plaidoyer du projet visent à défendre une vision méditerranéenne de la lutte contre la précarité énergétique, incluant notamment une prise en compte du confort d’été pour toutes et tous dans son logement et mettant en avant les femmes comme vectrices du changement.

Les recommandations politiques d’EmpowerMed proposent une définition de la précarité énergétique plus inclusive, incitent à mieux prendre en compte le lien avec le genre et notamment avec le développement et le suivi d’indicateurs révélant ce problème (nombre de femmes touchées, nombre de femmes parmi les bénéficiaires des aides attribuées, mais aussi les jeunes, les personnes handicapées…).

Lire aussi : sortir de la précarité énergétique en région Provence-Alpes côte d’Azur

Maëva Bréau 

De mon côté, je vois un double objectif au projet EmpowerMed :

  • améliorer les conditions de vie des personnes les plus touchées par la précarité énergétique, ce qui a été fait à travers des ateliers prodiguant des conseils faciles à appliquer et en étudiant et communiquant sur les types d’aides et subventions disponibles pour accompagner à la transition énergétique des logements,
  • tout en mobilisant les décideur·ses politiques au niveau local, national et international pour inclure toutes les dimensions de la précarité énergétique (genre, santé etc.) dans les stratégie de lutte contre celles-ci.

Les politiques demeurent beaucoup trop « gender blind », or comment élaborer des stratégies et politiques justes si les besoins et spécificités de la moitié de la population 50% ne sont pas prises en compte ?

Et ça donne quoi aujourd’hui ?

Marie-Maud Gérard

Aujourd’hui ce sont plus de 400 personnes qui ont déjà bénéficié, à Marseille, d’un accompagnement dans le cadre du projet Empowermed, dont plus de 250 femmes.

Ce qui veut dire :

  • informations pour vérifier que son abonnement est bien adapté,
  • changement de fournisseur d’énergie,
  • installation d’équipements économes dans le logement,
  • conseils personnalisés pour aller vers des travaux,
  • aller vers les propriétaires pour des améliorations dans le logement,
  • mais aussi, au delà du projet, réalisation de travaux de première nécessité pour les ménages rencontrant des difficultés vis à vis de leur confort thermique : installation de brasseurs d’air, réparation de robinetterie, isolation de conduits de chauffage, amélioration de la ventilation… 

Un exemple concret : une femme seule, retraitée, habitant dans une maison de ville, lors d’un atelier collectif intitulé “la santé et l’énergie dans mon logement”, nous a indiqué qu’elle souffrait chez elle en raison d’un air trop humide et avait également des factures d’énergie élevées malgré ses efforts d’économie.

Nous avons donc réalisé une visite-conseil énergie, et proposé des travaux d’installation d’un système de ventilation simple, de calorifugeage de ses tuyaux de chauffage dans une partie non chauffée de son logement. L’humidité de son logement a été immédiatement réduite de 20% et pour les factures d’énergie et elle en est vraiment satisfaite, nous la contacterons très prochainement pour le suivi de ses factures. 

Le projet est actuellement dans sa phase d’évaluation des interventions terrain et de plaidoyer pour faire bouger les lignes à l’échelle locale, nationale et européenne et aller vers une transition énergétique plus inclusive. 

Quelques mots pour finir ? un appel à la mobilisation à lancer ?

Marie-Maud Gérard

Soutenez le Geres ! Vous pouvez aussi rejoindre les bénévoles du Geres pour participer à des actions de mobilisation pour une transition énergétique plus inclusive. 

Maëva Bréau 

Si vous souhaitez soutenir WECF France, vous pouvez nous suivre sur notre site et les réseaux sociaux, communiquer sur nos activités autour de vous et adhérer à notre association !

Ce projet a reçu un financement du programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 de l’Union européenne – convention de subvention N° 847052. La seule responsabilité du contenu de ce document incombe aux auteurs. Il ne reflète pas nécessairement l’opinion de l’Union européenne. Ni l’EASME ni l’Union européenne Commission sont responsables de tout usage qui pourrait être fait des informations qui y sont contenues.

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