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28 novembre 2022

Ce qu’il faut retenir de la COP 27 : une « cop de transition »

La COP 27 s’est tenue à Charm El-Cheikh en Egypte du 6 au 18 novembre 2022. Le risque était de voir une COP27 affectée par la pandémie, par le conflit en Ukraine, et par la crise alimentaire et des prix. Il ne s’agit pas du scénario optimal pour réaliser une avancée dans la prise de décisions, malgré l’avancée de l’urgence climatique. Pourtant, les pays de l’hémisphère Sud ont démontré une grande unité politique et de négociation.

On fait le point avec Saverio Ragazzi, Responsable programme climat et énergie au Geres.

Durant cette COP et contre toute attente, les pays de l’hémisphère Sud ont finalement démontré une grande unité politique et de négociation : ils ont réussi à arriver à la décision de créer un Fonds pour compenser les pertes et les dommages liés aux impacts des changements climatiques déjà observés.

La COP africaine débloque le système multilatéral du point de vue de la compensation des responsabilités historiques, un sujet tabou depuis plus de trente ans. Dans ce résultat, l’Union européenne a joué un rôle central dans le déblocage de la deuxième semaine de négociations en relançant avec une mise à jour de ses engagements et en se rapprochant de la position du G77.

La COP27 a concentré ses efforts sur les points suivants :

  • Pertes et dommages ;
  • Finance ;
  • Engagements Nationaux (NDC) ;
  • Atténuation et énergie ;
  • Adaptation ;
  • Article 6 (mécanismes de flexibilité et coopération) ;
  • Droits humains et jeunesse ;
  • Biodiversité

Décryptage sur ces points clés.

Pertes et dommages

Résultat historique et inattendu des G77 (la coalition de pays en développement) : la création d’un fonds pour les pertes et dommages dans le cadre de l’Accord de Paris. Ce fonds est établi pour être opérationnalisée par la COP28 avec l’aide d’un comité de transition composé d’une majorité (14 sur 24) de membres du Sud. Le Comité a comme but la création d’une taxonomie des pertes et dommages compensables. La création de ce Fond se positionne comme un troisième pilier adjoint dans l’Accord de Paris, après l’atténuation et l’adaptation. Les migrations font partie des « défis » résultant des pertes et dommages auxquels il faut répondre collectivement.

Finance

Même à la COP27, l’objectif de mobiliser 100 milliards de dollars par an (des pays du Nord vers les pays du Sud) pour la finance climatique n’est pas atteint, tant les besoins augmentent. La COP elle-même, dans la décision finale, parle d’au moins 4 000 milliards de USD pour rester sur une trajectoire qui mène à zéro émission d’ici 2050, alors que les volontés politiques et financières ne s’alignent pas à ce chiffre.
Enfin, la COP demande instamment aux pays riches de contribuer au second tour de financement du Fonds vert pour le climat, qui a pu investir en 2021 le montant record de 10,8 milliards de dollars, une somme encore très éloignée des besoins réels.

Engagements Nationaux (NDC)

Dans le cadre du Pacte de Glasgow, adopté à la COP26, les pays ont été invités à « revoir et renforcer » leurs objectifs de réduction des émissions à 2030 (les « contributions déterminées au niveau national », NDC). La COP27 aurait dû être la COP de mise en oeuvre des mises à jour avec des trajectoires compatibles avec le scénario +1,5°C. Seuls 33 pays sur les 200 qui ont signé l’Accord de Glasgow ont soumis de nouveaux plans climatiques à 2030, y compris l’Union Européenne. La décision finale de la COP27 n’est qu’une copie du Pacte climatique de Glasgow, invitant à nouveau les pays à actualiser leurs promesses, en précisant toutefois « sur les objectifs 2030 ». Les mises à jour devraient arriver d’ici la fin de 2023. Encore une fois, les gouvernements ont pris leur temps sur cette thématique.

Atténuation et énergie

L’objectif de limiter la hausse des températures mondiales à +1,5°C reste d’actualité, mais avec un langage moins fort qu’à Glasgow. Le couplage des énergies renouvelables et des énergies peu émettrices n’explique pas comment elles peuvent coexister vers l’objectif de +1,5°C. En effet, même à cette COP les négociations n’ont pas abouti à quelque progrès sur l’élimination des combustibles fossiles. Le paragraphe controversé de Glasgow reste le même : réduction progressive du charbon non atténué de la capture et du stockage et sortie des subventions fossiles inefficaces. Il souligne également l’importance de protéger la nature car elle peut contribuer à l’atténuation du changement climatique.

Adaptation

Aucune référence précise au doublement des fonds pour l’adaptation promis à Glasgow, ni au timing pour le faire. La question reste sur la table, étant donné que le plan de mise en oeuvre de Charm el-Cheikh est basé sur le Pacte climatique de Glasgow. Le texte est très concis par rapport aux versions précédentes et il n’y a aucune référence à l’objectif mondial sur l’adaptation, ni au programme de travail Glasgow – Charm el-Cheikh lancé à la COP26. La nécessité pour toutes les Parties d’avoir des plans nationaux d’adaptation spécifiques aux caractéristiques du territoire et basés sur les connaissances locales et les peuples autochtones n’est pas non plus suffisamment soulignée.

Article 6

La décision prise sur l’article 6.4 de l’Accord de Paris est une avancée majeure dans la mise en place d’un mécanisme de crédits pour la réduction des émissions, ou suppression de CO2, qui remplacera l’ancien mécanisme flexible de Kyoto, le MDP (Mécanisme pour un Développement Propre, CDM en anglais). Le document contient une annexe avec des indications sur sa structure, sur la durée de validité des crédits, le passage du MDP, la mise en place d’un registre et l’utilisation de crédits pour la réalisation des CDN.
Pierre d’achoppement : l’absence dans le texte de références à la protection des droits de l’homme des populations autochtones, locales et indigènes vivant dans les zones concernées par les projets.

Droits humains et jeunesse

La première ébauche du texte final a vu, à la surprise des militants, un chapitre entier consacré aux droits humains, aux politiques de genre, à la migration climatique et à la lutte contre la discrimination dans l’action climatique. Pourtant dans le texte approuvé le 20 novembre, le chapitre est complètement supprimé. Au lieu de cela, un paragraphe reste placé parmi les déclarations initiales pour encadrer les décisions ultérieures qui reproduit en fait le préambule de l’Accord de Paris sur les droits de l’homme sans s’en éloigner beaucoup.

La seule différence substantielle est la référence au droit à un environnement propre, sain et durable. Il est également noté qu’il reste peu de références dans d’autres parties du texte plus liées à la mise en oeuvre de l’Accord de Paris, ce qui rend effectivement le langage des droits de l’homme inopérant. Un revers global pour les droits de l’homme qui aggrave la qualité globale des décisions de cette COP.

La Présidence a beaucoup investi, du moins dans la forme, dans l’inclusion des jeunes dans le processus de négociation, également à travers la nomination du premier Délégué des Jeunes de la Présidence de la COP, un chiffre sans précédent jusqu’à présent. Dans la décision finale, la COP encourage les pays à impliquer les jeunes dans les délégations nationales aux négociations. La création d’un dialogue des jeunes sur le climat et la nomination d’un envoyé spécial de la jeunesse au niveau de l’ONU sont proposées.

Biodiversité

Le texte manque d’une section ad hoc sur cette question, on parle de la nécessité urgente de faire face à la crise climatique et à la perte de biodiversité de manière synergique, mais une référence à l’imminente COP15 sur la biodiversité à Montréal et au besoin urgent d’un accord est complètement absente. Elle souligne l’importance de la protection, de la conservation, de la restauration et de l’utilisation consciente de la nature et des écosystèmes naturels, notant l’importance de la préservation de la cryosphère et de la biodiversité, et reconnaissant le rôle critique de la protection, de la conservation et de la restauration des écosystèmes liés à l’eau et leur rôle clé dans l’adaptation.

Ce qu’il faut retenir

Cette COP a démontré aux pays émergents et vulnérables que, s’ils sont unis, ils ont la force pour amener l’Occident à leurs positions là où il y a une fissure. Le groupe de G77 et la Chine ont pu obtenir un Fond spécifique sur la Pertes et dommages, résultat cherché pendant plus de 30 ans sans succès. Il reste à voir comment le nouveau fonds sera développé et qui sera réellement prêt à y contribuer, surtout en considérant les défis rencontrés pour mobiliser les 100 milliards de dollars par an pour la finance climatique.

Dans la sécurisation des objectifs de Glasgow – et notamment celui de contenir le réchauffement climatique à +1,5°C – le G20 a joué un rôle central. Il appartient maintenant aux pays, dans l’espoir que le conflit entre la Fédération de Russie et l’Ukraine se termine au plus vite, de revenir à l’ambition et de présenter de nouveaux engagements d’atténuation et de financement d’ici la prochaine étape. Il est maintenant nécessaire de se concentrer immédiatement sur la mise à jour des objectifs nationaux vers la COP28 et sur la collecte de ressources financières pour soutenir la transition mondiale. En un mot, se remettre au travail sur toutes les questions sacrifiées en Égypte au nom de l’accord sur les pertes et dommages.

Cette COP peut être considérée, encore une fois, comme une conférence « de transition » : les avancées sont limitées car il n’y a pas d’accord sur la sortie des énergies fossiles, ni d’engagement sur des efforts supplémentaires. Si d’un côté, on se met d’accord pour payer et pour compenser les dommages climatiques, de l’autre on ne parvient pas à se mettre d’accord pour limiter ces dommages. Les limites sont venues des pays producteurs d’hydrocarbures, la Russie et l’Arabie saoudite essentiellement, et des pays émergents, notamment l’Argentine et le Brésil. Aussi les attentes sur une prise de position plus forte sur les droits de l’homme n’ont pas été respectées, et aggrave la qualité globale des décisions de cette COP.

En conclusion, la victoire historique dans le domaine des pertes et dommage a été payé chère avec un immobilisme sur tous les autres aspects de la négociation. Comme chaque année, on se dit que la prochaine COP sera une fois de plus l’occasion incontournable pour prendre des décisions drastiques… On y croit. Courage.

Pour plus d’info : UNFCCC draft decision , as per 18.11.2022

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