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7 mai 2020

Pourquoi la crise du Covid-19 renforce le besoin de Solidarité climatique

Camille André, Responsable Programme Climat et Energie au Geres, nous propose un décryptage de la crise du Covid-19 et nous explique pourquoi certaines causes de cette crise sont communes avec celles des changements climatiques.

Préambule

En quelques mois, l’un des plus petits organismes vivant à la surface de la Terre a réussi à freiner la marche endiablée des sociétés modernes. Son nom est désormais connu de toutes et tous : le Coronavirus ou Covid-19.

Tous les continents de la planète sont touchés, les frontières fermées les unes après les autres, les échanges limités au strict minimum, les relations sociales privées de leur substance physique : le changement de paradigme est total. Dès lors, les réflexions sur le fameux « monde d’après » profitent d’un printemps ensoleillé pour fleurir et s’étendre sur la toile. Et si on pouvait enfin rêver à autre chose ? Et si cette autre chose s’appelait Solidarité climatique ?

Solidarité, évidemment. Car cette crise met en exergue et, malheureusement, renforce les inégalités pré-existantes au sein des pays et entre eux.

Dans chaque pays, les franges les plus fragiles de la population sont aussi les plus exposées au risque sanitaire puisqu’elles ne disposent ni des conditions leur permettant de réaliser les gestes barrières, ni d’un accès facile aux soins. Elles sont aussi les plus impactées socio-économiquement car les mesures sanitaires prises par les Etats en vue de protéger leur population, bien que nécessaires, empêchent de très nombreuses familles de mobiliser les moyens de leur subsistance.

Au niveau international, les inégalités entre pays sont exacerbées. Dans l’immédiateté de la crise, pour les pays les moins avancés, cela se traduit par des systèmes de santé d’une extrême fragilité et par une capacité réduite ou inexistante d’offrir un soutien à sa population.

Seule la Solidarité peut limiter les effets de cette crise sanitaire sur les plus vulnérables et nous permettre d’en sortir.

Des dispositifs ambitieux en ce sens doivent se concrétiser, marquant un engagement fort et indispensable des Etats les plus riches vers les populations plus fragiles. Au sein de chaque pays, des organisations de la société civile et des citoyens individuellement montrent la voie de cette solidarité au quotidien !

Et si l’on quitte quelques instants « l’immédiat », alors on comprend que la question climatique est à mettre au cœur de cet enjeu de solidarité. Car si la crise que l’humanité traverse actuellement la met face aux limites de son modèle dominant de développement à la poursuite du « toujours plus », elle n’est qu’une phase de répétition pour ce que les scientifiques s’échinent à rappeler depuis des décennies…

L’urgence climatique est là et la crise à venir sera tout aussi planétaire que la crise du Covid-19… mais probablement bien plus sévère !

Or, pendant que la quasi-totalité de la planète a les yeux rivés sur la lutte contre la pandémie globale, les changements climatiques suivent leurs cours. Comme en 2017 et en 2019, 2020 a enregistré l’un des mois de mars les plus chauds jamais connus, juste derrière le record de 2016 . L’extension hivernale de la banquise Arctique, malgré des conditions hivernales favorables, s’inscrit dans le top 11 des extensions les plus basses enregistrées, montrant ainsi que la tendance au réchauffement a durablement réduit les capacités de reformation des glaces maritimes.

Cette crise sanitaire a surpris le monde. Personne n’y était préparé alors même que certains avaient émis des signaux d’alerte qui n’ont pas été assez entendus. S’agissant des crises d’origine climatiques, l’humanité est cependant prévenue : si elle ne s’empare pas maintenant et pleinement de la question climatique et ne cesse pas de crever le plafond écologique, alors les chocs climatiques répétés exacerberont ces inégalités et une part de plus en plus grande de la population tombera sous le plancher social.

Renforcer la Solidarité climatique pour limiter l’occurrence des crises à venir et leurs effets sur les plus vulnérables est donc plus nécessaire que jamais.

Les solutions existent mais leur déploiement suppose des choix politiques et de société très forts. Le regain d’échanges et d’espace de réflexions « offert » par la crise actuelle est une opportunité à ne pas rater pour que solidarité et climat, intimement liés, soient au cœur des évolutions que nous apporterons au nouveau modèle de développement en construction. C’est une condition indispensable à l’atteinte des Objectifs de Développements Durables (ODD).

Une crise sanitaire aux origines communes avec la crise climatique

Si les scientifiques n’ont pas encore de certitude quant à l’origine de la crise sanitaire actuelle, de nombreuses voix s’élèvent pour mettre en cause les impacts des activités humaines sur l’environnement.

En effet, plusieurs facteurs de propagation connus des virus sont liés à ces activités et à la dégradation de l’environnement : la déforestation massive, l’artificialisation croissante des sols, les pratiques d’exploitation illégale du vivant tel que le braconnage, etc.

La réduction croissante des espaces naturels favorise les contacts entre les hommes et les espèces animales, parfois porteuses de maladies nouvelles.

Tous ces éléments aggravent les changements climatiques et amenuisent les capacités des écosystèmes à atténuer les émissions de gaz à effet de serre et de fournir des moyens d’adaptation pour les populations qui font face aux dérèglements.

La mondialisation incontrôlée des échanges de biens et des services et les déplacements massifs des femmes et des hommes sont une autre cause commune et incontestable.

Depuis de nombreuses années, la société civile dénonce les traités de libre échange comme le TAFTA (Traité de libre-échange transatlantique) ou le CETA (accord économique et commercial global). Depuis la ratification de l’Accord de Paris et l’objectif que se sont fixés les États de rester sur une trajectoire de réchauffement global limité à +1,5°C, il est désormais possible de relever les incohérences entre ces traités de libre échange et les engagements de ces États en termes de lutte contre les changements climatiques.

La multiplication des transports internationaux par voie aérienne ou maritime est une source majeure d’émissions de gaz à effet de serre, incompatible avec les actions à mettre en œuvre pour rester dans le cadre de l’Accord de Paris.

Cette mondialisation a été un facteur de propagation rapide du virus et un frein à la réponse des États, contraints de faire produire au bout du monde les matériels sanitaires nécessaires.

Au final, cette crise secoue sérieusement les systèmes de santé, notamment dans des pays dits « développés ». Elle nous interroge sur la capacité d’anticipation de nos sociétés  et leur résilience face aux conséquences des changements climatiques.

La crise climatique peut-elle être mise en parenthèses ?

La crise sanitaire actuelle a eu des répercussions importantes pour l’environnement et le climat. En mettant, de force, des pans entiers de l’économie à l’arrêt, elle a ramené très temporairement plusieurs pays, jusqu’ici fortement émetteurs, sous le plafond écologique.

La mise en confinement de la moitié de la population mondiale a eu pour conséquence positive de permettre une réduction massive des émissions de gaz à effet de serre.

Le Citepa (Centre technique de référence en matière de pollution atmosphérique et de changement climatique) estime que l’impact de la crise sanitaire a d’ores et déjà entraîné une réduction de 25% des émissions de GES de la Chine sur la période du 3 février au 1er mars par rapport à la même période en 2019. En France, des estimations provisoires sur la région Île-de-France indiquent une baisse de l’ordre de 30% des émissions de CO2 sur la première semaine du confinement par rapport à 2019.

Alors, on est sauvé ? Malheureusement non, et loin de là. Ces baisses sont les conséquences d’effets conjoncturels et non de transformations structurelles des modes de production et de consommation comme préconisés par le GIEC (Groupe Intergouvernemental d’experts sur l’Évolution du Climat) dans son rapport d’octobre 2018 qui donne le chemin à suivre pour demeurer sous la barre fatidique des +1,5°C de réchauffement planétaire.

Mais alors où est le problème ? Puisque non structurelles, ces baisses sont par définition très temporaires et, sauf remise en cause majeure des modèles de développement, la limitation des émissions ne perdurera pas au-delà de la crise actuelle. Le problème tient en outre à l’effet rebond. Lors de la crise économique de 2008, les émissions de GES avaient aussi chuté de 1,3% à l’échelle mondiale, sur l’année complète, pour ensuite repartir à la hausse sur un rythme de croissance quasiment deux fois supérieur à celui enregistré sur la période 2004-2007 . Cet effet rebond est généralement lié aux politiques de relance massive de l’économie conduites post-crise par tous les pays.

L’urgence climatique est donc toujours aussi prégnante.

Comme il a été rappelé en préambule, les températures continuent de croître. Une baisse conjoncturelle des émissions de GES n’a pas d’effet direct sur les tendances climatiques en cours puisque leurs impacts ne seront ressentis que dans plusieurs années , en fonction de leur durée de séjour dans l’atmosphère. Le réchauffement actuel est la conséquence des gaz émis il y a plusieurs années. Ceux qui sont émis aujourd’hui viennent s’accumuler à l’existant et renforcer le réchauffement global.

Par ailleurs, malgré la baisse spectaculaire mesurée suite aux mesures sanitaires prises face au Covid, les scientifiques du GIEC l’ont rappelé dans leur rapport spécial d’octobre 2018 : pour rester sous la barre des +2°C il faudrait réduire d’environ 4% les émissions de CO2 par an, d’ici à 2100, et de 7% par an pour demeurer sous celle des +1,5°C de réchauffement.

De fait, malgré les effets récemment observés du confinement généralisé sur l’environnement (réapparition d’espèces sauvages dans les villes, dépollution des cours d’eaux à Venise ou encore réduction de la pollution de l’air dans les villes), tout ceci ne présage en rien un ralentissement de l’urgence climatique.

Les températures grimpent, les glaces continuent de fondre, le niveau moyen des mers monte et les forêts primaires continuent de reculer partout à la surface du globe. Les changements climatiques sont déjà là, il est impossible de continuer à les ignorer ou de les reléguer au second plan. Le changement structurel du modèle est indispensable !

Le retard sur notre ambition climatique internationale va-t-elle être contrebalancée par une prise de conscience citoyenne massive ?

En janvier 2020, le message était clair : l’humanité entrait dans la décennie de l’action et de la dernière chance pour enrayer les dérèglements climatiques. Dès 2015, l’Accord de Paris fixait les règles pour une relève constante de l’ambition climatique des États à travers la prise d’engagements plus contraignants dans leurs CDN (Contributions Déterminées au niveau National). Ces CDN sont les feuilles de route que se fixent les États pour atteindre leurs objectifs en matière de lutte contre les changements climatiques, tant par la limitation de leurs émissions de GES que par le renforcement de leurs mécanismes d’adaptation face aux conséquences de ces changements.

En toute logique, 2020 doit être la première année de cette relève de l’ambition. L’importance de la crise sanitaire actuelle ne peut remettre cela en cause. Et pourtant, la COP26 sur le climat, initialement prévue en fin d’année 2020, a été décalée à une date ultérieure non définie en 2021 et la COP15 sur la biodiversité, initialement prévue cette année, a aussi été repoussée à 2021. Et il en est de même pour de nombreux autres évènements devant paver le chemin de l’ambition climatique. Ceci fait naître la crainte d’un ralentissement de l’action internationale, voire une mise au second plan derrière la relance rapide de l’économie, dont l’humanité n’a plus le luxe.

Néanmoins, la crise sanitaire actuelle et ses causes profondément liées au modèle économique dominant font naître plusieurs mouvements citoyens appelant les gouvernements à prendre un autre chemin de sortie de crise, voire se substituant aux fonctions normalement portées par un État Providence. Cela suffira-t-il à prendre un nouveau virage vertueux face à la crise climatique ?

Quelle Solidarité climatique pour le monde d’après ?

Les observateurs s’accordent à dire que cette crise sanitaire est une opportunité inédite de reconstruire un modèle de développement nouveau. Mais quel modèle ? Au Geres, nous prônons un modèle fondé sur une plus grande Solidarité climatique entre les États et entre les populations. Une solidarité qui permettra des trajectoires de convergences plutôt que de divisions entre les pays et qui sera le pilier d’une transition vers une prospérité davantage partagée et plus soutenable. Mais comment la mettre en œuvre ?

Il est absolument nécessaire que les actions de relance entreprises à l’échelle mondiale intègrent les dangers de l’effet rebond et soient conçues pour ne pas faire sauter le plafond écologique.

Selon le GIEC , pour rester sous la barre d’un réchauffement global de +2°C, il faut donc une réduction annuelle des émissions de GES entre 2020 et 2030 (base 2016) de 4% par an. Et pour rester en-dessous d’un réchauffement de +1,5°C, il faut une réduction annuelle de 7,6%.

Les estimations actuelles des conséquences de la crise sanitaire et économique montrent que celle-ci pourrait engendrer une réduction de 4% des émissions de GES à l’échelle mondiale pour l’année 2020 (base 2016). En d’autres termes, un confinement de l’humanité toute entière pendant presque 2 mois et des mesures drastiques de réduction de l’activité économique à l’échelle mondiale « devrait devenir la norme ». Une telle situation n’est bien évidemment pas concevable !

Néanmoins, la reconstruction du fameux « monde d’après » ne peut faire l’impasse sur l’urgence climatique. Elle doit reposer sur des mesures économiques, sociales et financières compatibles avec la réduction drastique des émissions de GES et le renforcement des capacités d’adaptation et de résilience des populations face aux conséquences inévitables des dérèglements en cours. Nous n’avons plus le temps d’être pessimiste.

La crise du Covid19 aura au moins démontré la capacité de l’humanité à s’adapter en adoptant des comportements jusqu’ici jugés impossibles.

Demeurer sous le plafond écologique implique nécessairement d’intégrer la contrainte climatique à tous les niveaux de la gouvernance : locale, nationale et internationale. Aucune décision ne doit être prise sans s’assurer de sa compatibilité avec la limitation du réchauffement global à +1,5°C. Toutes les solutions doivent donc rechercher la maximisation des co-bénéfices climatiques et environnementaux. Pour cela, il est nécessaire que les économies de tous les pays internalisent les externalités négatives liées aux énergies fossiles, en réallouant leurs coûts directs et indirects à la transition énergétique et au développement des énergies renouvelables. Ceci se traduit aussi par la construction d’infrastructures bas-carbone et un transfert de technologie accru à l’échelle internationale.

L’Accord de Paris souligne la nécessité de parvenir à la neutralité carbone, c’est-à-dire l’équilibre entre le niveau d’émission atteint après tous les efforts de réduction préconisés par les scientifiques et la capacité de captage des puits de carbone que sont les océans, les forêts et les sols.

2020 aussi est l’année de la réhausse de l’ambition climatique. Les plans de relance des États doivent donc être compatibles avec les engagements pris dans le cadre de leur CDN. Seule la cohérence permettra de rester sous le plafond écologique !

La solidarité entre toutes et tous ne doit pas s’éteindre, elle est la clé pour éviter la chute sous le plancher social.

Il est donc aussi indispensable que les solidarités se poursuivent et s’organisent pour permettre à toutes et tous de remonter au-dessus de ce plancher social et que tout soit mis en œuvre pour éviter les trappes à pauvreté qui emprisonnent durablement les plus vulnérables dans une situation d’extrême fragilité.

Qu’elles soient liées à un virus ou aux dérèglements climatiques en cours, les crises vont se multiplier. Les scientifiques le disent et le répètent depuis bientôt 4 décennies. Or, cette crise sanitaire a mis en exergue les vulnérabilités différenciées existantes au sein des sociétés et entre les pays du monde.

Pour que la relance à venir soit pérenne et efficace, elle doit à tout prix lutter contre les inégalités et renforcer les capacités d’action des populations les plus vulnérables. Pour ce faire, les objectifs du modèle de développement post-crise sont multiples. Il est en tout cas nécessaire que les vulnérabilités sous-jacentes soient prises en compte dans tous les choix de politiques à tous les niveaux : local, national et international. Dans la réponse à très court terme, ceci peut se faire à travers le développement de systèmes d’alerte précoce face aux crises qui doivent être renforcés et complétés par les modèles de projections climatiques les plus fins et précis possibles.

Et il est indispensable que, systématiquement, soit pris en compte l’ensemble des synergies existantes entre les différents ODD. L’Agenda 2030 adopté en 2015 offre un cadre complémentaire à l’Accord de Paris pour permettre aux États de mettre en œuvre une réponse cohérente fondée sur une plus grande Solidarité climatique. Il est désormais temps de s’en servir et d’éviter le retour à la normal qui serait fatal à la lutte contre les changements climatiques et à la construction d’un monde résilient et juste.

 

Conclusion

Le moment est donc venu de s’engager et d’agir pour la Solidarité climatique. Les solutions existent, la société civile (citoyen·ne·s, entreprises, collectivités, associations) a démontré sa capacité à les mettre en œuvre depuis des années : le temps est venu de la soutenir !

La crise actuelle nous montre toute l’importance d’agir vite pour limiter les chocs climatiques futurs et, par anticipation, renforcer la capacité de nos sociétés à réagir dans ces situations de crise. En cela, nous devons faire preuve d’une vigilance collective pour que les efforts en faveur des enjeux globaux de solidarité et de lutte contre les changements climatiques ne soient pas reportés ou diminués malgré l’immédiateté de la réponse à laquelle nous invite la crise sanitaire. Cela constituerait une erreur de jugement lourde de conséquences.

Au Geres, notre action s’inspire du modèle du donut développé par Kate Raworth, professeure à l’université d’Oxford. En œuvrant concrètement et au quotidien pour la transition énergétique et pour la solidarité climatique, nous ambitionnons de contribuer à ce qu’un maximum de personnes et d’acteurs économiques se situent dans l’espace juste et sûr, sous le plafond écologique et au-dessus du plancher social.

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