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7 mars 2023

Référente genre, responsable inclusion, jeux de mots ou enjeux vitaux ?

Marina Dubois et Armelle Barré sont respectivement Responsable du Programme Inclusion et Energie pour le Geres, et Référente Genre au F3E. Elles nous expliquent leurs rôles et leurs missions, reviennent sur la création du jeu “Planète Genre” et nous donnent quelques tips sur la façon d’intégrer l’approche genre dans une structure associative.

Anne Brukhanoff conseillère technique entreprenariat geres

Marina Dubois

Je suis une femme blanche, cisgenre…;) J’ai plus de 15 ans d’expérience dans la conception, la mise en œuvre et l’évaluation de programmes pour des ONGs. Expatriée en Asie du Sud-Est pour travailler dans le domaine de l’enfance puis la santé sexuelle et reproductive, j’ai rejoint le Geres fin 2014 au Cambodge sur un programme multi-pays de cuisson améliorée. Mon poste a ensuite évolué vers celui de Responsable Programme Inclusion & Energie et je suis maintenant basée à Marseille.

Armelle Barré

Armelle Barré

 Je suis également une femme blanche, cisgenre, hétérosexuelle et salariée. Pourquoi je précise cela ? Parce que préciser l’endroit d’où je parle, le point de vue que j’ai sur le monde et la façon dont le monde me perçoit, me semble essentiel tant cela a un impact sur les éventuelles discriminations auxquelles je vais faire face.

Je ne vis pas les mêmes réalités sociales que si j’étais un homme noir et migrant, ou si j’étais une femme asiatique en couple avec une autre femme. Je pourrais aussi dire que je suis mère, que je suis valide, que j’habite un quartier populaire, que j’ai pu faire des études supérieures. Tout ceci fait partie de mon identité et, suivant les contextes, pourra me donner accès à des espaces ou au contraire me barrer la route. Au niveau professionnel, puisque je suppose que la réponse attendue était sur ce sujet, j’ai eu plusieurs “vies” : dans le journalisme, dans la bande dessinée, dans le numérique, avant de travailler en associations, ONG et réseaux.

Je suis au F3E depuis 2014, j’y ai été chargée de gestion, chargée de mission “vie associative” avant de devenir responsable de programmes et de concentrer mon travail autour des questions de genre. 

Quelques mots sur vos structures respectives ?

Marina Dubois  : Le Geres œuvre à l’amélioration des conditions de vie et lutte contre les changements climatiques et leurs impacts avec comme levier principal, la transition énergétique. Le Geres encourage le développement et la diffusion de solutions énergétiques durables et mobilise toutes les parties prenantes autour de la Solidarité climatique en les incitant à agir et à soutenir les plus vulnérables.

Notre approche inclusive vise à favoriser la participation et l’engagement de toutes et tous à une transition énergétique juste et ambitieuse et garantir l’accès aux services énergétiques essentiels, y compris aux plus vulnérables.

Armelle Barré : Le F3E est réseau d’acteurs et actrices de la solidarité et de la coopération internationales. Il est multi-acteurs et rassemble une centaine d’organisations françaises membres : ONG, collectivités territoriales, réseaux, fondations et syndicats.

Le F3E a pour but d’impulser une amélioration de la qualité des actions et des pratiques au sein du secteur de la coopération et de la solidarité internationales, pour aller vers un changement social. Pour cela, nous menons diverses activités de renforcement de capacités utiles à l’analyse et au partage des pratiques.

C’est quoi une “référente genre” ou une “responsable inclusion” ? Pourquoi ces sujets appellent à recruter des responsables dédiées ?

Armelle Barré : Suivant les contexte, une “référente genre” n’a pas la même signification. Dans certaines organisations, la référente genre (souvent, ce sont des femmes) est celle à qui l’on demande de “saupoudrer un peu d’égalité” sur des actions qui ne l’ont pas pensé.

Au F3E, nous pensons que la référence genre est plutôt là pour aider chacune et chacun à intégrer au mieux une réflexion autour de la prise en compte du genre dans ses actions, quelles qu’elles soient. C’est une personne qui a une certaine expertise mais qui ne doit pas “faire à la place de” mais “faire avec”.

En tant que référente du réseau, une partie de mon travail est d’animer le processus autour de la mise en oeuvre de la Stratégie intersectionnelle de genre, votée en 2021, et de mettre en oeuvre des activités, qu’elles soient spécifiques ou transversales, et qu’elles soient orientées vers l’interne (intégrer une perspective de genre dans l’organisation, les ressources humaines, etc.) et vers les membres et le secteur (animer des ateliers sur le sujet, etc.)

Marina Dubois  : Déployer une approche inclusive nécessite dans un premier temps d’affiner notre compréhension des différents contextes de vulnérabilités dans lesquels nous intervenons sur le plan humain.

Concrètement, il s’agit de considérer les caractéristiques individuelles et facteurs sociaux déterminants des discriminations, identifier les enjeux spécifiques rencontrés par les groupes vulnérables et analyser les risques de la démarche inclusive et les mitiger.

Une fois cette étape franchie, nous nous efforçons de favoriser la participation et l’engagement de toutes et tous aux décisions qui les concernent et garantir l’accès aux services énergétiques essentiels y compris aux plus vulnérables. Cette deuxième étape consiste à lever les barrières à l’accès pour les groupes vulnérables, activer les leviers de renforcement des capacités et mesurer les effets de nos actions inclusives.

Avoir une personne – ou plusieurs ! – dédiées à cette tâche permet de co-construire nos stratégies d’intervention avec les équipes terrain afin de les adapter aux contextes et renforcer l’appropriation de la démarche au niveau technique et organisationnel. 

« Alors que les femmes, en lien avec leurs rôles sociaux et leurs conditions sociales, ont un impact moindre que les hommes sur l’environnement et sa dégradation, elles sont plus vulnérables aux conséquences du changement climatique. Mais elles sont aussi porteuses de solutions. »

Pouvez-vous nous parler de vos missions au quotidien ?

Marina Dubois  : Chaque journée est différente ! Hier, je finalisais un guide méthodologique pour évaluer les pratiques de cuisson et chauffage au Maroc en distinguant les rôles des hommes et des femmes et en portant un regard attentif sur les ménages gérés par des femmes.

Aujourd’hui, j’échangeais avec l’équipe Geres Mali et une collègue d’Armelle (!) sur le déroulé de notre expérimentation méthodologique pour renforcer la gouvernance inclusive de nos ZAE au Mali.

Demain, je travaillerai sur l’analyse des enjeux de genre pour une étude de faisabilité au Bénin permettant de confirmer les besoins et les opportunités dans la cuisson domestique et productive en milieu urbain et rural, puis de définir les modalités d’intervention du projet de renforcement des filières “cuisson durable”. 

Armelle Barré : Mes journées sont très diverses également ! J’ai la chance que toutes mes missions soient depuis plusieurs années maintenant liées au genre mais le genre étant partout, c’est très vaste !

En ce moment, j’accompagne des membres à intégrer une meilleure prise en compte du genre dans leurs projets, j’anime des ateliers d’échanges sur le genre, je coordonne la mise en oeuvre de la stratégie du réseau, je participe à l’organisation d’un atelier international sur les questions de rapports de pouvoir dans la production des connaissances… Et bien d’autres choses encore ! 

« Les femmes ont des rôles sociaux qui les placent, souvent, au cœur du maintien de la biodiversité locale et de cultures adaptées. Elles sont, dans de nombreuses régions, à l’avant-garde de la résistance face au changement climatique »

Pourquoi est-il vital de développer une approche spécifique (notamment au regard des enjeux climatiques) pour les femmes ?

Marina Dubois : Parce qu’elles sont en première ligne et malgré les discriminations qu’elles subissent, elles sont et elles ont les solutions. Il faut s’assurer qu’elles puissent porter leur voix, transmettre leurs savoirs et leurs compétences et renforcer leur résilience pour qu’elles continuent à le faire. On ne peut pas prétendre faire ça si on ne comprend pas bien les enjeux spécifiques qu’elles rencontrent. 

Armelle Barré : Alors que les femmes (et minorités de genre), en lien avec leurs rôles sociaux et leurs conditions sociales, ont un impact moindre que les hommes sur l’environnement et sa dégradation, elles sont plus vulnérables aux conséquences du changement climatique. Elles sont également, comme le rappelle Marina très justement, porteuses de solutions.

Pour donner un exemple concret, elles ont des rôles sociaux qui les placent, souvent, au cœur du maintien de la biodiversité locale et de cultures adaptées. Elles sont, dans de nombreuses régions, à l’avant-garde de la résistance face au changement climatique, tout spécialement les femmes autochtones, qui établissent un lien étroit avec l’environnement, une connaissance approfondie de celui-ci et luttent pour sa défense.

Formation entreprenariat femmes en mongolie

Vous voulez bien nous raconter l’aventure “planète genre” et en quoi ce type de jeu peut contribuer aux enjeux cités ci dessus ?

Marina Dubois : C’est un outil de vulgarisation, il aide à faire le lien entre genre et climat. On n’est pas toutes égales ni tous égaux face au changement climatique. Le jeu aide à comprendre pourquoi en illustrant des situations réelles représentées par les personnages des 7 familles.

Il permet de sensibiliser sur les réalités climatiques de différentes familles dans le monde, renseigne sur les inégalités H/F et illustre par des descriptions d’impacts ou de solutions concrètes.

L’ambition n’est pas d’être exhaustif mais de susciter des échanges. Quelques extensions ont déjà été imaginées par des participantes, ce serait chouette qu’elles prennent vie !

Armelle Barré : Comme le dit Marina, c’est un outil de vulgarisation, de sensibilisation. A ce titre, il ne peut tout représenter, ni même représenter les choses dans toutes leurs nuances.

Toutefois, il nous a semblé essentiel d’imaginer un outil permettant de répondre à celles et ceux qui nous disaient “mais enfin, le changement climatique est le même pour tout le monde, il n’y a pas d’histoire de genre, là dedans!”. Eh bien, si ! C’est ce qu’on a souhaité illustrer. 

Lire aussi : sortie du jeu planète genre pour sensibiliser aux enjeux genre et climat

Jeu de 7 familles pour comprendre genre et climat

De l’espoir pour l’avenir ?

Marina Dubois : Sans espoir il n’y a pas de motivation au travail ! Les voix s’élèvent de plus en plus pour donner aux femmes la place qu’elles méritent, on y arrivera, j’y crois ! Quand l’intérêt collectif sera compris par toutes et tous, que la conception de la valeur travail aura changé et l’urgence climatique placée avant la croissance économique, on sera dans de meilleures conditions pour avancer sereinement. 

Armelle Barré : Même si la situation actuelle peut encourager à la résignation, il est essentiel d’avoir de l’espoir, de rêver, pour aller de l’avant. Les femmes et minorités de genre, par leurs positionnements spécifiques, par les réalités sociales qu’elles vivent, peuvent apporter un souffle nouveau, à la condition évidemment qu’elles ne deviennent pas “les égales des hommes” au sein même du système actuel mais que ce système, prédateur des humain-e-s, des animaux et de l’environnement, soit remis en question. Ce n’est évidemment pas une mince affaire mais c’est le changement social que l’on vise. 

Si vous deviez conseiller à une association de développer une approche spécifique genre, avez-vous quelques trucs à suggérer ?

Marina Dubois : Commencer par un diagnostic partagé et garder toujours en tête la démarche pédagogique. L’approche genre n’est pas toujours bien comprise par les non initié-es, cela crée des réticences qui n’ont pas lieu d’être. Identifier les allié-es : on est plus fort-es à plusieurs ! Parler entre pair-es : on s’enrichit de l’expérience des autres 🙂 

Armelle Barré : J’aurais tendance, d’abord, à demander à l’association en question pourquoi elle cherche à développer une approche spécifique genre. Car il y a de nombreuses raisons pour le faire, et c’est important de savoir pourquoi on fait les choses, quel est notre positionnement. Ensuite, je lui conseillerais de venir dans les espaces que le F3E met à disposition du secteur des solidarités pour échanger sur ces questions ! 

Quelques mots pour finir ? un appel à la mobilisation à lancer ?

Marina Dubois : Au Geres on a bien avancé sur le diagnostic des enjeux genre dans nos pays d’intervention. On a réfléchi collectivement sur les stratégies d’intervention à mettre en place pour réduire les inégalités Hommes-Femmes. En somme, on a compris ce qu’il faut faire pour faire avancer la problématique Genre et Energie.

Aujourd’hui, on souhaite aller au-delà de la prise en compte du genre de manière transversale dans nos projets : on veut en faire un objectif principal. Trop peu d’appels à projets permettent aujourd’hui de considérer le genre et l’énergie comme des moyens clés pour atteindre les objectifs de développement durable.

Aidez-nous à les convaincre ! 

Armelle Barré : Le réseau F3E a décidé de s’engager collectivement, et certains de ses membres, individuellement, pour intégrer une meilleure perspective de genre. Et, de toute cela, il ressort que, le plus souvent, 3 choses manquent aux organisations qui sont pleines de bonne volonté : du temps, de l’argent et des outils.

C’est pourquoi je vous encourage, toutes et tous, à impliquer votre direction, votre conseil d’administration, à les convaincre s’ils ne le sont pas, et à les inciter à vous donner les moyens concrets de réussir les choses. Et pour le reste, consultez le site du F3E pour trouver les outils qu’il vous faut. 

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